Afrique: le business des «enfants-sorciers»

Publié le par ESPACERDA

Afrique: le business des «enfants-sorciers»

 





Les enfants albinos sont les plus exposés aux accusations de sorcellerie avec les orphelins et les enfants handicapés. ©UNICEF/NYHQ2007-1798/Nesbitt (© UNICEF/NYHQ2007-1798/Nesbitt)

 

 

«Un pasteur m’a brûlé le corps avec des bougies. Dans une autre église encore, on m’a versé dans les yeux de la sève tirée d’un arbre», témoigne Glodie Mbete, âgée de 11 ans, à Kinshasa.

 

Plus de 20.000 enfants ont été accusés de sorcellerie à Kinshasa, selon le bureau régional d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale de l'Unicef. L'organisation publie un nouveau rapport sur ces «enfants-sorciers», «de plus en plus nombreux».

 

La plupart sont des garçons qui ont entre 8 et 14 ans. Souvent battus, parfois brûlés pour exorciser les «mauvais esprits», ils sont ensuite chassés de chez eux quand ils ne sont pas tués. Un phénomène «récent» qui concerne surtout l'Afrique centrale, tout particulièrement le Bassin du Congo et du Nigeria.

 

Un phénomène urbain

 

En Angola, au Cameroun, au Congo ou au Nigeria, les «enfants-sorciers» sont le plus souvent orphelins, handicapés ou albinos. Des enfants au comportement insolite (têtu, agressif, pensif, solitaire...) sont également la cible des familles des villes africaines.

 

Un grand nombre d'accusations vient en effet des familles elles-mêmes. Les croyances à la sorcellerie sont largement répandues dans les pays d'Afrique subsaharienne. Alors qu'il y a une dizaine d'années, on attribuait surtout la sorcellerie aux femmes âgées, les enfants sont aujourd'hui la principale cible de la lutte anti-sorcière qui sévit dans certains pays d'Afrique.

 

Le rapport de l'Unicef montre que ce ne sont pas uniquement les croyances à la sorcellerie qui sont la cause de ces accusations. L'urbanisation croissante des villes a entraîné un «dysfonctionnement général de la famille et un bouleversement des relations entre aînés et cadets», explique Joachim Theis, conseiller régional pour l'Unicef pour la protection des enfants en Afrique de l'Ouest et du centre.

 

Une urbanisation qui remet en cause la légitimité de l'autorité parentale. Et les conflits incessants multiplient le nombre d'orphelins que les familles n'arrivent plus à prendre en charge.

 

Le «business» des «pasteurs-prophètes»

 

«Certains prêtres exploitent ces croyances, proposent des services d'exorcisme très coûteux», explique Joachim Theis. Les familles amènent alors ces «enfants-sorciers» pour une séance de «désenvoutement». Le pasteur confirme et légitime l'accusation et administre à l'enfant un «traitement spirituel». L'enfant est notamment isolé et privé de nourriture pendant plusieurs jours et victime de «mauvais traitements».

 

«Pendant trois jours, on n’a pas eu le droit de manger ni de boire. Le quatrième jour, le prophète a placé nos mains au dessus d'un cierge pour nous faire avouer. Alors j'ai reconnu les accusations et les mauvais traitements ont pris fin. Ceux qui n'acceptaient pas étaient menacés du fouet», raconte le jeune Bruno, accusé de sorcellerie à Kinshasa. Ces séances peuvent être individuelles ou collectives.

 

En République centrafricaine, des prêtres se livrent à des opérations chirurgicales pour «nettoyer» les «enfants-sorciers». «Puisque la sorcellerie est définie comme étant une substance dans l’abdomen de l’enfant, le pasteur découpe, avec un couteau non stérilisé, le ventre de l’enfant et ampute un petit morceau d’intestin de l’enfant, symbolisant la sorcellerie», rapporte l'Unicef dans son rapport. En Angola, onze églises ont fermé pour abus.

 

Pauline ANDRÉ

Source: Libération

Publié dans Afrique

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