ZONE FRANC : L’indispensable indépendance monétaire

Publié le par espacerda.over-blog.com

ZONE FRANC : L’indispensable indépendance monétaire

  

Les ex-colonies françaises d’Afrique célèbrent cette année le cinquantenaire de leurs indépendances en grande pompe. C’est dire que les dirigeants au pouvoir sont satisfaits du chemin parcouru jusque-là. On peut cependant émettre bien des réserves sur les acquis de cette Afrique post-indépendances, sur tous les plans de la vie des pays concernés. Sur le plan économique et financier, l’arrimage du franc CFA au Trésor français demeure un cordon ombilical tenace que personne n’ose rompre. C’est pourtant un des derniers vestiges de l’ère coloniale puisque son histoire est consubstantielle à la colonisation française. Le sigle CFA a d’abord signifié "colonies françaises d’Afrique", puis "communauté française d’Afrique" et enfin "communauté financière africaine".

 

Les noms ont changé, mais les réalités demeurent les mêmes, celles des pays subsahariens obligés de confier une grande partie de leurs réserves de change au Trésor français, et de rendre compte de leur gestion deux fois par an au ministre de l’Economie et des Finances français. C’est la fameuse réunion des ministres de la Zone franc, dont le nouveau rendez-vous a lieu à N’Djamena ce 20 avril. Et pourtant, l’indépendance tant chantée devait aussi s’accompagner d’une prise en charge exclusive de la monnaie, à l’instar des pays africains anglophones ou lusophones, qui ne s’en portent d’ailleurs pas mal. Certes, l’un des avantages du F CFA, c’est qu’il a cours dans plusieurs pays, facilitant ainsi leur intégration monétaire. C’est un avantage certain qu’on ne peut nier, quand on regarde la balkanisation monétaire des autres pays.

 

Monnaie unique ne signifie cependant pas développement. Car des pays battant leur propre monnaie, en particulier les pays anglophones, ont résisté eux aussi, aux différents chocs économiques que le continent a subis ces dernières années. Ils ont même réussi des prouesses économiques que leur envient bien des dirigeants brassant le CFA. Du reste, après sa dévaluation en 1994 et le recours au dollar par les opérateurs économiques pour leurs transactions, le CFA a beaucoup perdu de son lustre. Dans la sous-région ouest- africaine, le Ghana et son cedi sont la preuve vivante qu’un pays non membre de la Zone franc n’est pas voué à la mort.

 

Mieux, le Ghana dont la monnaie n’est rattachée à aucune institution financière de l’ex-colonisateur, se hisse au sommet des performances en matière de croissance en Afrique. On peut comprendre les dirigeants des pays d’Afrique francophone dans leur attachement quasi-fétichiste au CFA et au giron français. Au-delà des questions purement monétaires, cette situation traduit une dépendance politique. Le pré carré français n’est pas une vue de l’esprit. Nombre de dirigeants africains se croient toujours obligés d’être serviables vis-à-vis de Paris, pour mériter leur poste. Dans ces conditions d’allégeance, la monnaie devient un outil politique aux mains des uns et des autres, Africains franco-phones comme Français, pour des intérêts particuliers. C’est pourquoi réunions après réunions, les ministres des Finances de la Zone franc parlent de tout, sauf du sujet tabou du décrochage d’avec la France.

 

Cinquante ans après les indépendances, la monnaie reste un élément d’humiliation dans les relations franco-africaines. La peur de l’inconnu explique sans doute aussi les hésitations africaines. Comme un enfant incapable de s’assumer sans son père, ces Africains se demandent s’ils surmonteront une éventuelle rupture monétaire avec l’ancienne puissance colonisatrice. Cette crainte est peut-être aussi ravivée par la partie française, peu encline à tourner cette page peu glorieuse pour les Africains mais qui lui apporte prestige et devises. Ce n’est pas en effet pour les beaux yeux des Africains que la France garantit leur monnaie. Elle y tire des avantages. Il appartient aux Africains de savoir grandir. En cela, le président sénégalais a le mérite d’être l’un des rares dirigeants africains à demander cette émancipation monétaire. Mais que peut-il, seul face à une dizaine d’autres chefs d’Etat préférant se contenter de la honteuse mais douillette tutelle française ?

 

Mahorou KANAZOE

 

Le Pays

Cet article est repris du site http://www.lefaso.net/spip.php?arti...

Publié dans Economie

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